En cette période, nous nous souvenons de nos camarades à travers des banderoles et des graffitis, à travers de brèves rencontres sous prétexte de faire de l’exercice entre les couvre-feux, et à travers les actions courageuses de celleux qui se tournent vers la nuit pour agir alors que le jour devient trop dangereux.
Le mouvement anarchiste en Grèce est parmi les plus importants au monde, proportionnellement à sa population. Cependant, nous subissons actuellement une répression sans précédent en raison de la pandémie et de l’opportunisme politique qui en résulte. Nous restons coincé·e·s sous confinement, submergé·e·s par le règne de la droite et de ses défenseurs. L’écocide, le contrôle social, les nouvelles mesures répressives contre les universités et la répression générale de celleux qui sont exclu·e·s ou réputé·e·s ennemi·e·s de l’État grec, continuent de s’étendre dans l’ombre du COVID-19.
Nous soulignerons quelques incidents récents qui nous semblent importants, liés aux efforts de solidarité essentiels au mouvement anarchiste mondial. Nous avons parfois du mal à rédiger ces mises à jour, ne souhaitant pas présenter un simple bulletin mensuel sur la crise en Grèce. Nous écrivons d’un point de vue que beaucoup de gens partagent ici, mieux résumé dans ce commentaire qui capture ici le thème de tant de conversations : « Quelques bons jours, d’autres mauvais. Je me sens juste coincé·e, et je ne sais même pas ce que j’attends. »
Au cours de cette pause forcée dans nos vies, celleux qui détiennent le pouvoir se précipitent pour appliquer des politiques et des automatismes déguisés en réponses à la pandémie. Cela fait partie d’un plan plus large visant à gentrifier la société grecque.
Mais ne doutez pas un seul instant qu’une tension plus vaste grandit ici : au moment où l’État sera obligé d’assouplir le confinement, les gens se réveilleront, ruiné·e·s et fatigué·e·s, et la colère sera partout!
Ceci est un élargissement de la contribution de Radio Fragmata au Bad News Report. Vous pouvez lire nos comptes rendus de Mai, Juin, Juillet, Août, Septembre, Octobre, et Décembre.
La Crise des Réfugié·e·s se Poursuit, Aggravée par le Coronavirus
Les réfugié·e·s et les migrant·e·s, toujours en attente d’asile et de papiers, sont maintenant confronté·e·s à une situation de plus en plus dangereuse car le COVID-19 les menace et la fameuse bureaucratie grecque les maintient au froid, à la fois métaphoriquement et littéralement, dans les camps de réfugié·e·s à travers le pays. La situation n’a pas changé depuis notre dernier rapport ; elle s’est même aggravée pendant l’hiver.
C’est une tragédie en cours. La Grèce teste les limites quant à la faiblesse des normes de l’Union Européenne pour les réfugié·e·s et les migrant·e·s. L’afflux imminent et inéluctable de réfugié·e·s fuyant l’effet domino causé par les confinements dans le monde se terminera dans ces conditions de détérioration. De plus, les programmes xénophobes dans lesquels les nationalistes grec·que·s ont attaqué les réfugié·e·s et quiconque les soutient seront probablement étendus via une collaboration informelle avec des nationalistes d’autres pays susceptibles d’être de futures destinations pour les réfugié·e·s tels que Malte, l’Espagne et l’Italie.
COVID-19
Le gouvernement a dépensé un million d’euros en décorations de Noël, tandis que la population reçoit des cacahuètes en attendant la fin du confinement. Les échecs et l’opportunisme de l’État grec pendant la pandémie ont même attiré l’attention de la presse grand public, Bloomberg classant la Grèce, en termes de gestion du COVID-19, à la 50e place sur un total de 53 pays avec un PIB de plus de 200 milliards de dollars.
Ce classement de la « résilience » vis-à-vis du COVID-19 est déterminé en pondérant la portée des mesures de confinement par rapport au taux d’infection, aux conséquences économiques et à la qualité de vie. À titre de comparaison, si les États-Unis représentent clairement une situation extrême en ce qui concerne les taux de mortalité, ces taux sont alignés sur le refus de l’administration Trump de mettre en œuvre tout type de confinement national ou d’établir une obligation de port du masque. En revanche, la Grèce connaît l’un des confinements les plus stricts du monde occidental, mais le taux d’infection reste élevé comparé à des pays prenant des mesures similaires. Les doubles standards généralisés et la suspension circonstancielle des mesures permettent de conclure que le gouvernement grec se préoccupe exclusivement de promouvoir des politiques intéressées plutôt que d’atténuer les crises médicales et humanitaires.
Par exemple, le gouvernement permet aux églises de rester ouvertes pour apaiser sa base d’extrême droite, a levé les restrictions pour que les gens achètent des produits avant Noël, et fait maintenant tout ce qu’il peut pour collaborer avec des médias biaisés pour mettre l’augmentation des taux d’infection sur le dos des gens ordinaires.
La police tolère que les foules attendent devant un McDonalds.
Police Partout, USI Nulle Part
Les confinements ont également été militarisés, en particulier dans les régions les plus pauvres à l’ouest d’Athènes et dans le traitement des communautés roms à travers le pays. Des soldats dans des véhicules blindés imposent des confinements intensifs dans ces régions caractérisées par la pauvreté, le travail des migrant·e·s et les populations roms. Ce n’est pas un hasard si le quartier rebelle d’Exarchia et les communautés roms en dehors du centre d’Athènes sont ciblés avec des confinements particulièrement stricts, tandis que dans les banlieues et les quartiers riches comme Colonaki à Athènes, des groupes se rassemblent devant les cafés, les gens se déplacent librement sans craindre d’être arrêté·e·s, et les propriétaires d’entreprises de luxe utilisent un vide juridique destiné aux travailleur·euse·s essentiel·le·s pour créer des documents permettant à leurs ami·e·s de passer du temps avec eux dans des bars et des restaurants ouverts pour la vente à emporter. C’est vraiment dystopique que la signature de votre patron·ne soit la deuxième meilleure justification pour être de sortie après le couvre-feu, derrière celle d’un·e chien·ne qui a besoin de marcher.
La police se rassemble en groupes sans porter de masque ; ils arrêtent les travailleur·euse·s médicaux·ales et les livreur·euse·s de nuit par ennui, en tripotant leurs papiers, en les fouillant, en propageant le virus au nom de la prévention. Si ce divertissement ne suffit pas, ils abusent également des sans-abri. Même Politico, une source médiatique institutionnelle, a commencé à couvrir les abus policiers et l’opportunisme politique que Nouvelle Démocratie a mis en place pendant la pandémie.
Le 6 Décembre
Le 6 décembre 2008, à Athènes, en Grèce, la police a assassiné l’anarchiste Alexandros Grigoropoulos, 15 ans, dans le quartier d’Exarchia. En réponse, les anarchistes, les jeunes et les autres rebelles des populations ciblées se sont révolté·e·s, organisant des émeutes et des occupations dans tout le pays qui ont duré des semaines. C’est depuis lors un anniversaire important.
Tout comme le 17 novembre, le 6 décembre 2020 a vu un assaut sur nos mouvements sous l’excuse de précautions pandémiques. La police a mis en place un périmètre autour du quartier d’Exarchia le jour du 6, et un périmètre de sécurité interne supplémentaire a été installé directement autour du monument Alexis Grigoropolous, au mépris flagrant de sa mémoire. La police a répondu aux tentatives pacifiques des partisan·e·s âgé·e·s de laisser des fleurs au mémorial par des menaces de violence ; pris en vidéo, un agent du MAT est vu en train de prendre des fleurs et de les arracher avant de les laisser tomber dans la rue. Chaque tentative de marche a été attaquée. La police grecque a procédé à plus d’une centaine d’arrestations tout au long de la journée. Malgré cela, défiant les mesures draconiennes imposées par l’État, les gens ont courageusement participé à des marches et des manifestations à la mémoire d’Alexis et l’insurrection qui a suivi son meurtre en décembre 2008.
Peu de temps avant le 6 décembre, un groupe a tenté de tenir une banderole à la mémoire d’Alexis devant le bâtiment du Parlement à Athènes, avant d’être attaqué par la police Delta et des gaz lacrymogènes. Le jour du 6, un autre petit groupe a tenté de tenir une bannière et de chanter à Exarchia. La police les a également attaqué·e·s, lançant une grenade assourdissante directement à l’intérieur d’un bâtiment sur certain·e·s d’entre elleux, ce qui est extrêmement dangereux. De petites manifestations ont fait face à des réponses similaires à travers le pays, de la Crète au nord de la Grèce, alors que l’État cherchait à supprimer cette tradition provocante. Pourtant, des marches autonomes ont eu lieu en dehors du centre d’Athènes et dans toute la Grèce, tandis que des banderoles et des graffitis à travers le pays ont affirmé notre passion pour la liberté.
Un groupe - qui aurait impliqué quatre-vingts personnes - a attaqué un poste de police à Colonos, à Athènes, le 6 décembre, envoyant quelques policier·e·s à l’hôpital pour des blessures mineures. La police a arrêté une personne qui fait face à des accusations de crime ; heureusement, elle a été libérée en attendant son procès. Le lendemain, au mémorial d’Alexis à Athènes, une centaine de personnes ont brandi des banderoles, scandé et posé des fleurs et des bougies. La police anti-émeute a attaqué la marche peu de temps après son début, dispersant les gens à travers Exarchia, mais laissant un groupe d’environ 40 personnes coincé à l’intérieur d’un bâtiment entouré de tous côtés par la police. Heureusement - craignant vraisemblablement des représailles pour la brutalité qu’ils avaient infligée la veille et parce que la presse voisine regardait - la police a permis au groupe de partir sans encombre.
Malgré la brutalité et la répression du 6, ils n’ont pas réussi à faire taire nos voix, ni à étouffer le souvenir d’Alexis. Notre passion pour la liberté est plus sincère que la mentalité mercenaire de celleux qui servent l’État et la classe dirigeante. Toute expression de célébration et de rébellion, grande ou petite, était un acte de courage à une époque où le simple fait de quitter la maison comporte des risques. Ce fut une journée difficile et triste à bien des égards, mais quelle que soit l’intensité de la répression de l’État, nous ne perdrons jamais nos convictions révolutionnaires, nous n’oublierons jamais celleux qui ont été assassiné·e·s ou emprisonné·e·s, nous ne pardonnerons jamais aux responsables. Alexis vit dans nos cœurs et nos actions.
Répression
Le 6 décembre, un camarade de France connu sous le nom d’Errol a également été arrêté. Il avait déjà été arrêté à plusieurs reprises lors de diverses actions ; cependant, cette fois, il a été emmené au centre de détention de Petroralli en tant qu’immigrant, même s’il est citoyen de l’Union Européenne. Lancer une procédure d’expulsion contre un anarchiste comme celui-ci est un acte sans précédent - que nous nous soucions ou non de la loi, il convient de noter que c’est illégal selon la politique de l’UE. Quelques jours plus tard, sans procès ni préavis, Errol est expulsé vers la France. Les efforts de solidarité, les actions et les graffitis se poursuivent dans tout le pays, mais les efforts déployés par l’État grec pour envoyer un message aux non-Grec·que·s qui participent au mouvement sont alarmants.
Extrait d’une déclaration de l’assemblée de solidarité avec le camarade anarchiste Errol :
L’arrestation d’Errol signifie une nouvelle escalade répressive de la part de l’État, démontrant que les poursuites pour délits peuvent conduire à l’emprisonnement et à la déportation de sujets politiques. L’état de paralysie et de décimation de la résistance sociale doit être brisé et la lutte pour l’arrêt des poursuites contre notre camarade est un autre pas dans cette direction.
On peut lire sur le graffiti : « Enlevez vos mains de l’anarchiste Errol. »
Huit personnes font actuellement face à des accusations de crime pour une action contre le doyen de l’école d’économie, celui responsable de l’expulsion d’un centre social local et du squat de Vancouver. Une campagne de soutien au doyen humilié a mobilisé les partisan·e·s de Nouvelle Démocratie qui ont été choqué·e·s de voir un homme blanc humilié en étant obligé de porter une pancarte disant « solidarité aux squats ». Ils ont offert une récompense de cent mille euros pour savoir qui pourrait être responsable - un chiffre considérable, surtout en pleine crise économique. La police a rassemblé des gens au hasard, avec très peu de preuves, à part affirmer qu’iels avaient des liens avec le mouvement. Quoi qu’il en soit, les accusations sont très lourdes et une campagne à long terme de soutien et contre la répression est susceptible de suivre. Vous pouvez consulter ce lien pour savoir comment faire un don, soutenir, en savoir plus sur l’affaire et faire preuve de solidarité.
Conditions de Détention
Les prisonnier·e·s continuent d’être provocant·e·s dans tout le pays, dans un contexte de dégradation continue des mesures d’hygiène et des conditions de détention, laissant beaucoup de personnes exposées au risque de contracter le COVID-19. Le Ministère des prisons continue d’investir des ressources dans tout ce qui concerne la prison, à l’exception de la santé des détenu·e·s elleux-mêmes.
Dimitris Koufontinas, prisonnier politique de longue date du groupe du 17 novembre, a entamé une grève de la faim pour exiger de meilleures conditions et être transféré à la prison de Korydallos à Athènes pour être plus proche de sa famille et de ses amis. Depuis le 16 janvier 2021, parallèlement à une campagne de soutien plus large du mouvement de solidarité des prisonniers, Nikos Maziotis du groupe Revolutionary Struggle et Giannis Dimitrakis ont déclaré une grève de la faim en solidarité avec Dimitris jusqu’à ce que ses revendications soient satisfaites. Polykarpos Georgiadis et Vaggelis Stathopoylos les ont rejoints le 18 janvier 2021. Les grèves de la faim sont de plus en plus fréquentes dans les prisons grecques à mesure que les conditions s’aggravent à cause du COVID-19.
Universités
La police a fait une descente dans un dortoir d’étudiant·e·s que le mouvement utilisait car se rassembler est non seulement illégal, mais de plus en plus compliqué sur le plan logistique au milieu du confinement et de l’expulsion des squats. Ce n’est pas la première fois que la police fait une descente dans un dortoir, mais cette fois, elle a utilisé des drones et diverses autres technologies pendant le raid qui n’ont jamais été vues auparavant. Iels ont fait voler des drones de fenêtre en fenêtre du logement étudiant, exigeant que les résident·e·s évacuent le bâtiment. Même la presse institutionnelle a décrit la police comme expérimentant ses nouveaux jouets.
Les étudiant·e·s et les enseignant·e·s ont déjà tenté de manifester contre le déploiement de nouvelles forces de police sur les campus, mais ont été encerclé·e·s et menacé·e·s d’arrestation pour rassemblement et violation de confinement. Nasser des centaines de personnes au nom de la prévention de la transmission du virus est un autre exemple absurde de la situation orwellienne qui se vit ici.
2021
Le réveillon du Nouvel An voit généralement des manifestations bruyantes massives dans les prisons de toute la Grèce, mais celles-ci ont été reportées en raison du couvre-feu et des amendes inévitables et de la répression, car les quartiers et les régions où se trouvent les prisons sont généralement inhospitalières pour les anarchistes et les antifascistes. Cependant, quelques minutes avant le nouvel an, une explosion a causé des dommages importants au siège de la police dans la région de Kipseli à Athènes.
Happy New Fear de Grèce !
S’il vous plaît, envisagez de faire un don au fonds de solidarité en cours pour les révolutionnaires persécuté·e·s et emprisonné·e·s en Grèce.