Contre la logique de la guillotine

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Pourquoi la Commune de Paris a brûlé la guillotine – et nous devrions faire de même

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Il y a 148 ans cette semaine, le 6 avril 1871, des participant·e·s révolutionnaires armé·e·s de la Commune de Paris ont saisi la guillotine qui était entreposée près d’une des prisons de Paris. Ils et elles l’ont apporté au pied de la statue de Voltaire, l’ont brisée en morceaux et l’ont brûlée dans un feu de joie, le tout, sous les applaudissements d’une immense foule.1 Il s’agissait d’une action populaire émanant de la base et non d’un spectacle coordonné par des politiciens. À l’époque, la Commune contrôlait la ville de Paris, qui était encore peuplée par des gens de toutes classes sociales ; les armées françaises et prussiennes encerclaient la ville et se préparaient à l’envahir afin d’imposer le gouvernement républicain conservateur d’Adolphe Thiers. Dans ces conditions, brûler la guillotine était un geste courageux qui répudiait le règne de la Terreur et l’idée selon laquelle un changement social positif peut être obtenu en massacrant des gens.

« Quoi ? » tu te dis, choqué·e, « les Communard·e·s ont brûlé la guillotine ? Pourquoi diable feraient-iels cela ? Je pensais que la guillotine était un symbole de libération ! »

En effet, pourquoi ? Si la guillotine n’est pas un symbole de libération, alors pourquoi est-elle devenue un motif répandu pour la gauche radicale au cours de ces dernières années ? Pourquoi internet est-il rempli de mèmes à l’effigie de la guillotine ? Pourquoi le groupe The Coup chante « We got the guillotine, you better run » (« Nous avons la guillotine, tu ferrais bien de courir ») ? Le périodique socialiste le plus célèbre s’appelle Jacobin, du nom des premiers partisans de la guillotine. Tout cela ne peut certainement pas n’être qu’un sentiment ironique d’anxiété persistante de droite à l’égard de la Révolution française.

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La guillotine en est venue à occuper notre imaginaire collectif. À une époque où les fractures de notre société s’élargissent vers la guerre civile, elle représente une vengeance sanglante sans compromis. Elle représente l’idée que la violence de l’État pourrait être une bonne chose si seulement les bonnes personnes étaient aux commandes.

Celles et ceux qui tiennent leur propre impuissance pour acquise supposent qu’ils et elles peuvent promouvoir des fantasmes de vengeance macabres sans conséquences. Mais si nous voulons vraiment changer le monde, nous nous devons de veiller à ce que nos propositions ne soient pas tout aussi macabres.

Une affiche à Seattle, Washington. La citation est de Karl Marx.

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Vengeance

Il n’est pas surprenant qu’aujourd’hui les gens veuillent se venger de manière sanglante. Le capitalisme et son accumulation incessante de profits rendent rapidement la planète inhabitable. La police aux frontières américaine kidnappe, drogue et emprisonne des enfants. Des actes individuels de violence raciste et misogyne se produisent régulièrement. Pour de nombreuses personnes, la vie quotidienne est de plus en plus humiliante, elle nous fragilise et nous rend impuissant.

Celles et ceux qui ne désirent pas se venger parce qu’ils ou elles ne sont pas assez compatissant·e·s pour être indigné·e·s par l’injustice ou parce qu’ils ou elles ne sont tout simplement pas attentif·ive·s ne méritent aucun crédit pour cela. Il y a moins de vertu dans l’apathie que dans les pires excès de la vengeance.

Est-ce que je veux me venger des officiers de police qui assassinent des gens en toute impunité, des milliardaires qui tirent profit de l’exploitation et de la gentrification, des bigots qui harcèlent les gens sur internet et publient leurs informations privées ? Oui, bien sûr que je le veux. Ils et elles ont tué des gens que je connaissais ; ils et elles essaient de détruire tout ce que j’aime. Quand je pense au mal qu’ils et elles font, je me sens prêt à leur briser les os, à les tuer à mains nues.

Mais ce désir est distinct de mes convictions politiques. Je peux vouloir quelque chose sans avoir à faire de la rétro-ingénierie pour le justifier politiquement. Je peux vouloir quelque chose et choisir de ne pas poursuivre cette envie, en particulier si je veux encore plus quelque chose d’autre – en l’occurrence une révolution anarchiste qui ne soit pas fondée sur la vengeance. Je ne juge pas les autres parce qu’ils ou elles veulent se venger, surtout s’iels ont vécu quelque chose de pire que ce que j’ai vécu. Mais je ne confonds pas non plus ce désir avec une proposition de libération.

Si le genre de soif de sang que je décris t’effraie, ou si cela te semble tout simplement inconvenant, alors tu n’as absolument pas à plaisanter sur les autres personnes qui commettent des meurtres industrialisés en ton nom.

Car c’est ce qui distingue la fantaisie de la guillotine : tout est question d’efficacité et de distance. Celles et ceux qui fétichisent la guillotine ne veulent pas tuer les gens à mains nues ; ils et elles ne sont pas prêt·e·s à déchiqueter la chair de quiconque avec leurs dents. Ils veulent que leur vengeance soit automatisée et exécutée à leur place. Ils et elles sont comme les consommateur·rice·s qui mangent allègrement des Chicken McNuggets mais ne pourraient jamais personnellement abattre une vache ou couper une forêt tropicale. Ils et elles préfèrent que les effusions de sang se déroulent de manière ordonnée, avec tous les documents dûment remplis, selon l’exemple donné par les Jacobins et les bolcheviks lors de leur imitation du fonctionnement impersonnel de l’État capitaliste.

Et encore une chose : ils et elles ne veulent pas avoir à en assumer la responsabilité. Ils et elles préfèrent exprimer leur fantaisie avec ironie, en conservant une possibilité de déni plausible. Pourtant, quiconque a déjà participé activement à des bouleversements sociaux sait combien la frontière peut être étroite entre le fantasme et la réalité. Examinons le rôle “révolutionnaire” que la guillotine a joué dans le passé.


« Mais la vengeance est indigne d’un·e anarchiste ! L’aube, notre aube, ne réclame ni querelles, ni crimes, ni mensonges ; elle affirme la vie, l’amour, la connaissance ; nous travaillons pour hâter ce jour. »

-Kurt Gustav Wilckens – anarchiste, pacifiste, et assassin du Colonel Héctor Varela, l’officier argentin qui a supervisé le massacre d’environ 1 500 travailleur·euse·s en grève en Patagonie.

Une très brève histoire de la guillotine

La guillotine est associée à la politique radicale car elle a été utilisée lors de la Révolution française pour décapiter le monarque Louis XVI le 21 janvier 1793, soit plusieurs mois après son arrestation. Mais une fois que l’on ouvre la boîte de Pandore de la force exterminatrice, il est difficile de la refermer.

Ayant commencé à utiliser la guillotine comme instrument de changement social, Maximilien de Robespierre, ancien président du Club des Jacobins, a continué à l’employer pour consolider le pouvoir de sa faction pro-gouvernement républicain. Comme il est d’usage chez les démagogues, Robespierre, Georges Danton et d’autres radicaux ont eu recours à l’aide des sans-culottes, les pauvres en colère, pour chasser la faction la plus modérée, incarnée par les Girondins, en juin 1793. (Les Girondins étaient eux aussi des Jacobins ; si vous aimez un Jacobin, la meilleure chose que vous puissiez faire pour lui est d’empêcher son parti d’accéder au pouvoir, puisqu’il est assuré d’être, après vous, le prochain sur la liste à se retrouver aligné contre un mur). Après avoir guillotiné les Girondins en masse, Robespierre s’est attelé à consolider le pouvoir aux dépens de Danton, des sans-culottes et de tous les autres.

« Le gouvernement révolutionnaire n’a rien en commun avec l’anarchie. Au contraire, son but est de la supprimer afin d’assurer et de consolider le règne du droit. »

-Maximilien de Robespierre, distinguant son gouvernement autocratique des mouvements plus radicaux émanant de la base qui ont contribué à la création de la Révolution française.2

Au début de l’année 1794, Robespierre et ses alliés avaient envoyé à la guillotine un grand nombre de personnes au moins aussi radicales qu’eux, dont Anaxagoras Chaumette et les soi-disant Enragés, Jacques Hébert et les soi-disant Hébertistes, la proto-féministe et abolitionniste Olympe de Gouges, Camille Desmoulins (qui avait eu le culot de suggérer à son ami d’enfance Robespierre que « l’amour est plus fort et plus durable que la peur ») – et la femme de Desmoulins, pour faire bonne mesure, et ce, malgré le fait que sa sœur ait été la fiancée de Robespierre. Ils organisèrent également l’exécution de Georges Danton et de ses partisans, aux côtés de divers autres anciens alliés. Pour célébrer toute cette effusion de sang, Robespierre organise la Fête de l’Être Suprême, une cérémonie publique obligatoire inaugurant une religion d’État inventée.3

Dans cette caricature politique, on peut lire sur la tombe derrière Robespierre l’inscription « ci-gît toute la France, » en référence aux nombreuses exécutions qu’il a orchestré.

Après cela, il ne fallut qu’un mois et demi avant que Robespierre lui-même ne soit guillotiné, ayant exterminé trop de celles et ceux qui auraient pu se battre à ses côtés contre la contre-révolution. Cela a préparé le terrain pour une période de réaction qui a culminé avec la prise de pouvoir de Napoléon Bonaparte qui s’est fait couronner empereur. Selon le calendrier républicain français (une innovation qui n’a pas eu de succès, mais qui a été brièvement réintroduite pendant la Commune de Paris), l’exécution de Robespierre a eu lieu pendant le mois de Thermidor. Par conséquent, le nom de Thermidor est à jamais associé au début de la contre-révolution.

« Robespierre a tué la Révolution en trois coups : l’exécution d’Hébert, l’exécution de Danton, le Culte de l’Etre Suprême… La victoire de Robespierre, loin de la sauver, n’aurait signifié qu’une chute plus profonde et irréparable. »

-Louis-Auguste Blanqui, lui-même loin d’être un opposant à la violence autoritaire.

Mais c’est une erreur de se concentrer sur Robespierre. Robespierre lui-même n’était pas un tyran surhumain. Au mieux, c’était un apparatchik zélé qui remplissait un rôle pour lequel d’innombrables révolutionnaires se battaient, un rôle qu’une autre personne aurait joué s’il ne l’avait pas fait. Le problème était systémique – la concurrence pour le pouvoir dictatorial centralisé – et non une question de méfaits individuels.

La tragédie de 1793-1795 confirme que tout outil que vous utilisez pour provoquer une révolution sera sûrement utilisé contre vous. Mais le problème n’est pas seulement l’outil, c’est la logique qui le sous-tend. Plutôt que de diaboliser Robespierre – ou Lénine, Staline ou Pol Pot – nous devons examiner la logique de la guillotine.

Dans une certaine mesure, on peut comprendre pourquoi Robespierre et ses contemporains ont fini par s’appuyer sur le meurtre de masse comme outil politique. Ils étaient menacés par une invasion militaire étrangère, mais aussi par des conspirations internes et des soulèvements contre-révolutionnaires ; ils prenaient des décisions dans un environnement extrêmement stressant. Mais, s’il est possible de comprendre comment ils en sont venus à embrasser la guillotine, il est impossible de soutenir que tous les meurtres perpétrés étaient nécessaires pour assurer leur position. Leurs propres exécutions réfutent cet argument de manière assez éloquente.

De même, il est faux d’imaginer que la guillotine a été principalement utilisée contre la classe dirigeante, et ce, même à l’apogée du règne jacobin. En tant que bureaucrates accomplis, les Jacobins tenaient des registres détaillés. Entre juin 1793 et la fin juillet 1794, 16 594 personnes ont été officiellement condamnées à mort en France, dont 2 639 à Paris. Parmi les condamnations à mort officielles prononcées sous la Terreur, seules 8 % ont été infligées à des aristocrates et 6 % à des membres du clergé ; le reste a été réparti entre la classe moyenne et les pauvres, la grande majorité des victimes étant issues des classes inférieures.

L’exécution de Robespierre et de ses collègues. Robespierre est identifié par le chiffre 10 ; assis dans la charrette, il tient un mouchoir sur sa bouche, ayant reçu une balle dans la mâchoire lors de son arrestation.

L’histoire qui s’est déroulée lors de la première révolution française n’est pas un hasard. Un demi-siècle plus tard, la Révolution française de 1848 a suivi une trajectoire similaire. En février, une révolution menée par des pauvres en colère a donné aux politiciens républicains le pouvoir d’État ; en juin, lorsque la vie sous le nouveau gouvernement s’est révélée à peine meilleure que la vie sous le roi, le peuple de Paris s’est à nouveau révolté et les politiciens ont ordonné à l’armée de le massacrer au nom de la révolution. Le neveu de Napoléon Ier a ainsi pu remporter l’élection présidentielle de décembre 1848, promettant de « rétablir l’ordre. » Trois ans plus tard, après avoir exilé tous les hommes politiques républicains, Napoléon III abolit la République et se fait couronner empereur, provoquant la célèbre boutade de Marx selon laquelle l’histoire se répète, « la première fois comme une tragédie, la deuxième fois comme une farce. »

De même, après que la Révolution française de 1870 eut mis Adolphe Thiers au pouvoir, il massacra impitoyablement la Commune de Paris, mais cela ne fit qu’ouvrir la voie à des politiciens encore plus réactionnaires pour le supplanter en 1873. Dans ces trois cas, nous voyons comment les révolutionnaires qui veulent exercer le pouvoir de l’État doivent embrasser la logique de la guillotine pour l’acquérir, puis, ayant brutalement écrasé d’autres révolutionnaires dans l’espoir de consolider leur contrôle, sont inévitablement défaits par des forces encore plus réactionnaires.

Au XXe siècle, Lénine décrit Robespierre comme un bolchevik avant la lettre, présentant la Terreur comme un antécédent du projet bolchevique. Il n’était pas le seul à faire cette comparaison.

L’apologiste bolchevik Victor Serge se rappelle de Lénine prononçant les mots « Nous serons notre propre Thermidor, » alors qu’il s’apprêtait à massacrer les rebelles de Kronstadt. En d’autres termes, après avoir écrasé les anarchistes et tou·te·s celles et ceux qui se trouvaient à leur gauche, les bolcheviks allaient survivre à la réaction en devenant eux-mêmes la contre-révolution. Ils avaient déjà réintroduit des hiérarchies fixes au sein de l’Armée rouge afin de recruter d’anciens officiers tsaristes et de les inviter à rejoindre ses rangs ; parallèlement à leur victoire sur les insurgés à Kronstadt, ils ont réintroduit le libre marché et le capitalisme, bien que sous le contrôle de l’État. Finalement, Staline a assumé la position autrefois occupée par Napoléon.

La guillotine n’est donc pas un instrument de libération. Cela était déjà clair en 1795, bien plus d’un siècle avant que les bolcheviks n’initient leur propre Terreur, et près de deux siècles avant que les Khmers rouges n’exterminent près d’un quart de la population du Cambodge.

Alors pourquoi la guillotine est-elle revenue à la mode comme symbole de résistance à la tyrannie ? La réponse à cette question va nous renseigner sur la psychologie de notre époque.

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Fétichiser la violence de l’État

Il est choquant qu’aujourd’hui encore, les radicaux s’associent aux Jacobins, une tendance qui était déjà réactionnaire à la fin de 1793. Mais l’explication n’est pas difficile à trouver. A l’époque, comme aujourd’hui, il y a des gens qui veulent se considérer comme radicaux sans avoir à rompre radicalement avec les institutions et les pratiques qui leur sont familières. Comme l’a dit Marx, « La tradition de toutes les générations mortes pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. »

Si – pour reprendre la célèbre définition de Max Weber – un gouvernement en devenir se qualifie comme représentant l’État en obtenant le monopole de l’usage légitime de la force physique sur un territoire donné, alors l’un des moyens les plus persuasifs de démontrer sa souveraineté est d’utiliser impunément une force meurtrière. C’est ce qui explique les différents rapports selon lesquels les décapitations publiques ont été observées comme des occasions festives ou même religieuses pendant la Révolution française. Avant la Révolution, les décapitations étaient des affirmations de l’autorité sacrée du monarque ; pendant la Révolution, lorsque les représentants de la République présidaient les exécutions, cela confirmait qu’ils détenaient la souveraineté – au nom du peuple, bien sûr. « Louis doit mourir pour que la nation vive, » avait proclamé Robespierre, cherchant à sanctifier la naissance du nationalisme bourgeois en le baptisant littéralement dans le sang de l’ordre social précédent. Une fois la République inaugurée sur ces bases, il a fallu des sacrifices continus pour affirmer son autorité.

Nous voyons ici l’essence même de l’État : Il peut tuer, mais il ne peut pas donner la vie. En tant que concentration de la légitimité politique et de la force coercitive, il peut faire du mal, mais il ne peut pas établir le type de liberté positive que les individus connaissent lorsqu’ils sont ancrés dans des communautés qui se soutiennent mutuellement. Il ne peut pas créer le type de solidarité qui donne naissance à l’harmonie entre les personnes. Ce que nous faisons aux autres par l’intermédiaire de l’État, les autres peuvent également nous le faire subir – comme Robespierre l’a expérimenté – mais personne ne peut utiliser l’appareil coercitif de l’État pour la cause de la libération.

Pour les radicaux, fétichiser la guillotine c’est comme fétichiser l’État : cela signifie célébrer un instrument de meurtre qui sera toujours principalement utilisé contre nous.

Celles et ceux qui ont été privé·e·s d’une relation positive avec leur propre pouvoir cherchent souvent un substitut auquel s’identifier – un ou une leader dont la violence peut remplacer la vengeance qu’iels désirent en raison de leur propre impuissance. À l’heure de Trump, nous sommes tou·te·s bien conscient·e·s des formes que cela revêt chez les partisan·e·s d’extrême droite qui ont été privé·e·s de leurs droits. Mais il y a aussi des gens qui se sentent impuissant·e·s et en colère à gauche, des gens qui désirent se venger, des gens qui souhaitent voir l’État qui les a écrasé·e·s se retourner contre leurs ennemis.

Rappeler aux « Tankies » les atrocités et trahisons que les socialistes d’État ont perpétré à partir de 1917, c’est comme qualifier Trump de raciste et de sexiste. Le fait d’annoncer que Trump est un agresseur sexuel en série n’a fait que le rendre plus populaire auprès de sa base misogyne ; de même, l’histoire sanglante du socialisme autoritaire ne peut que le rendre plus attrayant pour celles et ceux qui sont principalement motivé·e·s par le désir de s’identifier à quelque chose de puissant.

-Des anarchistes à l’heure de Trump

Maintenant que l’Union soviétique a disparu depuis près de 30 ans – et en raison de la difficulté de recevoir des informations de première main de la part de la classe ouvrière chinoise exploitée – de nombreuses personnes en Amérique du Nord vivent le socialisme autoritaire comme un concept entièrement abstrait, aussi éloigné de leur expérience vécue que les exécutions de masse perpétrées par la guillotine. Désireux·ses non seulement de se venger mais aussi d’avoir un deus ex machina pour les sauver à la fois du cauchemar du capitalisme et de la responsabilité de créer elleux-mêmes une alternative à celui-ci, ils et elles imaginent l’État autoritaire comme un champion qui pourrait se battre en leur nom. Rappelez-vous ce que George Orwell a dit des confortables écrivains staliniens britanniques des années 1930 dans son essai « Inside the Whale » :

« Pour des personnes de ce genre, des choses comme les purges, la police secrète, les exécutions sommaires, l’emprisonnement sans procès, etc. sont trop éloignées pour être terrifiantes. Ils et elles peuvent avaler le totalitarisme puisqu’ils ou elles n’ont d’autre expérience que le libéralisme. »

Punir le coupable

« Faites confiance à des visions qui ne comportent pas de seaux remplis de sang. »

-Jenny Holzer

Dans l’ensemble, nous avons tendance à être plus conscient·e·s des torts commis à notre encontre que des torts que nous commettons envers les autres. Nous sommes plus dangereux·ses lorsque nous nous sentons lésé·e·s, car nous nous sentons plus en droit de porter un jugement, d’être cruel·le. Plus nous nous sentons légitimes, plus nous devons faire attention à ne pas reproduire les modèles de l’industrie de la justice, les suppositions de l’état carcéral, la logique de la guillotine. Encore une fois, cela ne justifie pas l’inaction ; c’est simplement pour dire que nous devons procéder de manière plus critique précisément au moment où nous nous sentons les plus justes, de peur que nous finissions par assumer le rôle de nos oppresseurs.

Lorsque nous nous considérons comme luttant contre des êtres humains spécifiques plutôt que contre des phénomènes sociaux, il devient plus difficile de reconnaître les façons dont nous participons nous-mêmes à ces phénomènes. Nous extériorisons le problème en le considérant comme quelque chose d’extérieur à nous-mêmes, en le personnifiant comme un ennemi qui peut être sacrifié pour nous purifier symboliquement. Pourtant, ce que nous faisons au pire d’entre nous finira un jour ou l’autre par être fait au reste d’entre nous.

En tant que symbole de vengeance, la guillotine nous pousse à nous imaginer en train de juger, oints du sang de celles et ceux que nous considérons comme mauvais. L’économie politique chrétienne de la vertu et de la damnation est essentielle à ce tableau. Au contraire, si nous l’utilisons pour symboliser quoi que ce soit, la guillotine devrait nous rappeler le danger de devenir ce que nous détestons. La meilleure chose serait de pouvoir se battre sans haine, en croyant de façon optimiste au formidable potentiel de l’humanité.

Souvent, pour pouvoir cesser de haïr une personne, il suffit de réussir à l’empêcher de vous menacer de quelque manière que ce soit. Lorsqu’une personne est déjà en votre pouvoir, il est méprisable de la tuer. C’est le moment crucial de toute révolution, le moment où les révolutionnaires ont la possibilité de se venger gratuitement, d’exterminer plutôt que de simplement vaincre. S’iels ne réussissent pas cette épreuve, leur victoire sera plus ignoble que n’importe quel échec.

La pire punition que l’on puisse infliger à celles et ceux qui nous gouvernent et nous surveillent aujourd’hui serait de les obliger à vivre dans une société où tout ce qu’ils ou elles ont fait est considéré comme embarrassant – de les obliger à siéger dans des assemblées où personne ne les écoute, de continuer à vivre parmi nous sans aucun privilège particulier en pleine conscience du mal qu’ils et elles ont fait. Si nous fantasmons sur quoi que ce soit, imaginons que nos mouvements soient si forts que nous n’aurons guère besoin de tuer qui que ce soit pour renverser l’État et abolir le capitalisme. C’est ce qui fait notre dignité de partisan·e·s de la libération.

Il est possible de s’engager dans la lutte révolutionnaire par tous les moyens nécessaires sans considérer que la vie d’autrui ne vaut rien. Il est possible d’échapper au sacro-saint moralisme du pacifisme sans pour autant développer une soif cynique de sang. Nous devons développer la capacité d’exercer la force sans jamais confondre le pouvoir sur les autres avec notre véritable objectif, celui de créer collectivement les conditions de la liberté de tou·te·s.

« Car il faut que l’homme soit sauvé de la vengeance : ceci est pour moi le pont qui mène aux plus hauts espoirs. C’est un arc-en-ciel après de longs orages. »

-Friedrich Nietzsche (lui-même non pas un partisan de la libération, mais l’un des principaux théoriciens des dangers de la vengeance)

Communard·e·s brûlant la guillotine, « instrument servile de la domination monarchiste », au pied de la statue de Voltaire à Paris le 6 avril 1871.

Au lieu de la guillotine

Bien sûr, il est inutile de faire appel à la meilleure nature de nos oppresseurs tant que nous n’avons pas réussi à les empêcher de tirer profit de notre oppression. La question est de savoir comment y parvenir.

Les apologistes des Jacobins protesteront que, dans ces circonstances, au moins certaines effusions de sang étaient nécessaires pour faire avancer la cause révolutionnaire. Pratiquement tous les massacres révolutionnaires de l’histoire ont été justifiés par la nécessité – c’est ainsi que les gens justifient toujours les massacres. Même si certaines effusions de sang étaient nécessaires, cela ne constitue toujours pas une excuse pour cultiver la soif de sang et le droit en tant que valeurs révolutionnaires. Si nous souhaitons exercer la force coercitive de manière responsable alors qu’il n’y a pas d’autre choix, nous devrions cultiver un dégoût pour celle-ci.

Les massacres nous ont-ils déjà aidés à faire avancer notre cause ? Il est certain que les exécutions relativement peu nombreuses que les anarchistes ont effectuées – comme les meurtres du clergé pro-fasciste pendant la guerre civile espagnole – ont permis à nos ennemis de nous dépeindre de la pire des façons, même s’ils sont responsables de dix mille fois plus de meurtres. Tout au long de l’histoire, les réactionnaires ont toujours fait preuve de malhonnêteté en appliquant deux poids deux mesures aux révolutionnaires, pardonnant à l’État d’avoir tué des millions de civils et prenant à partie les insurgé·e·s pour avoir brisé une vitre. La question n’est pas de savoir si les massacres nous ont rendus populaires ou non, mais s’ils ont une place dans un projet de libération. Si nous recherchons la transformation plutôt que la conquête, nous devrions évaluer nos victoires selon une logique différente de celle de la police et des militaires que nous affrontons.

Ce n’est pas un argument contre l’usage de la force. Il s’agit plutôt de savoir comment l’employer sans créer de nouvelles hiérarchies, de nouvelles formes d’oppression systématique.

Une taxonomie de la violence révolutionnaire.

L’image de la guillotine est une propagande pour le type d’organisation autoritaire qui peut se servir de cet outil particulier. Tout outil implique les formes d’organisation sociale nécessaires pour l’utiliser. Dans ses mémoires, Bash the Rich, Ian Bone, vétéran de la guerre des classes, cite un membre de l’Angry Brigade John Barker qui affirme que « les cocktails Molotov sont bien plus démocratiques que la dynamite », ce qui suggère que nous devrions analyser chaque outil de résistance en fonction de la façon dont il structure le pouvoir. Critiquant le modèle de lutte armée adopté par les groupes autoritaires hiérarchisés en Italie dans les années 1970, Alfredo Bonanno et d’autres insurgé·e·s ont souligné que la libération ne pouvait être obtenue que par des méthodes de résistance horizontales, décentralisées et participatives.

« Il est impossible de faire la révolution seulement avec la guillotine. La vengeance est l’antichambre du leader. Qui veut se venger a besoin d’un chef. Un chef qui mène à la victoire et rétablisse la justice blessée. »

-Alfredo Bonanno, La joie armée

Ensemble, une foule émeutière peut défendre une zone autonome ou exercer des pressions sur les autorités sans avoir besoin d’une direction hiérarchique centralisée. Lorsque cela devient impossible – lorsque la société s’est divisée en deux camps distincts qui sont tout à fait prêts à s’entretuer par des moyens militaires – on ne peut plus parler de révolution, mais seulement de guerre. Le principe de la révolution est que la subversion peut se propager au-delà des lignes d’inimitié, déstabilisant les positions fixes, sapant les allégeances et les suppositions qui sous-tendent l’autorité. Nous ne devrions jamais nous hâter de passer du ferment révolutionnaire à la guerre. Ce faisant, on saisit généralement les possibilités plutôt que de les élargir.

En tant qu’outil, la guillotine tient pour acquis qu’il est impossible de transformer ses relations avec l’ennemi, seulement de les abolir. De plus, la guillotine suppose que la victime est déjà complètement sujette au pouvoir de celles et ceux qui l’utilisent. Contrairement aux exploits de courage collectif que les gens ont accompli contre vents et marées dans les soulèvements populaires auxquels nous avons assisté, la guillotine est une arme pour les lâches.

En refusant de massacrer nos ennemis en masse, nous laissons ouverte la possibilité qu’ils et elles se joignent un jour à notre projet de transformation du monde. L’autodéfense est nécessaire, mais partout où nous le pouvons, nous devons prendre le risque de laisser nos adversaires en vie. Ne pas le faire garantit que nous ne serons pas meilleurs que les pires d’entre eux. D’un point de vue militaire, c’est un handicap ; mais si nous aspirons vraiment à la révolution, c’est la seule voie possible.

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Libérer, pas exterminer

« Donner de l’espoir au grand nombre d’opprimé·e·s et de la peur au petit nombre d’oppresseurs, c’est notre affaire ; si nous faisons le premier et donnons de l’espoir au grand nombre, le petit nombre doit être effrayé par leur espoir. Sinon, nous ne voulons pas les effrayer ; ce n’est pas la vengeance que nous voulons pour les pauvres, mais le bonheur ; en effet, quelle vengeance peut être prise pour toutes les souffrances que les pauvres ont endurées pendant des milliers d’années ? »

-William Morris, « How We Live and How We Might Live »

Nous répudions donc la logique de la guillotine. Nous ne voulons pas exterminer nos ennemis. Nous ne pensons pas que le moyen de créer l’harmonie est de soustraire au monde tou·te·s celles et ceux qui ne partagent pas notre idéologie. Notre vision est celle d’un monde dans lequel de nombreux mondes s’intègrent, comme l’a dit le sous-commandant Marcos – un monde dans lequel la seule chose qui est impossible est de dominer et d’opprimer.

L’anarchisme est une proposition pour tou·te·s sur la façon dont nous pourrions améliorer notre vie – les travailleur·euse·s et les chômeur·euse·s, les personnes de toutes origines, de tous les sexes et nationalités ou n’ayant rien de tout ça, les pauvres et les milliardaires. La proposition anarchiste n’est pas dans l’intérêt d’un groupe existant contre un autre : ce n’est pas un moyen d’enrichir les pauvres aux dépens des riches, ou de donner du pouvoir à un groupe ethnique, une nationalité ou une religion aux dépens des autres. Toute cette façon de penser fait partie de ce à quoi nous essayons d’échapper. Tous les « intérêts » qui sont censés caractériser les différentes catégories de personnes sont des produits de l’ordre dominant et doivent être transformés en même temps que celui-ci, et non pas préservés ou cédés.

De notre point de vue, même les positions les plus élevées de richesse et de pouvoir qui sont disponibles dans l’ordre existant sont sans valeur. Rien de ce que le capitalisme et l’État ont à offrir n’a de valeur pour nous. Nous proposons une révolution anarchiste au motif qu’elle pourrait enfin répondre à des désirs que l’ordre social actuel ne pourra jamais satisfaire : le désir de pouvoir subvenir à ses propres besoins et à ceux de ses proches sans le faire aux dépens de quiconque, le souhait d’être apprécié pour sa créativité et son caractère plutôt que pour les profits qu’il peut générer, le désir de structurer sa vie autour de ce qui est profondément joyeux plutôt que selon les impératifs de la concurrence.

Nous pensons que tou·te·s celles et ceux qui vivent actuellement pourraient s’entendre –bien, ou du moins mieux – si nous n’étions pas obligé·e·s d’entrer en compétition pour le pouvoir et les ressources dans les jeux à somme nulle de la politique et de l’économie.

Laissez aux antisémites et autres bigots le fait de décrire l’ennemi comme un type d’individu particulier, personnifier tout ce qu’ils craignent comme l’Autre. Notre adversaire n’est pas une catégorie d’être humain, mais les formes de relations sociales qui imposent l’antagonisme entre les personnes comme étant le modèle fondamental de la politique et de l’économie. Abolir la classe dirigeante ne signifie pas guillotiner tou·te·s celles et ceux qui possèdent actuellement un yacht ou un appartement de luxe ; cela signifie rendre impossible pour quiconque d’exercer systématiquement un pouvoir coercitif sur quelqu’un d’autre. Dès que cela sera impossible, aucun yacht ou appartement de luxe ne restera vide très longtemps.

Quant à nos adversaires immédiats – des êtres humains déterminés à maintenir l’ordre à tout prix – nous aspirons à les vaincre, et non à les exterminer. Aussi égoïstes et rapaces qu’ils ou elles puissent paraître, au moins certaines de leurs valeurs sont semblables aux nôtres, et la plupart de leurs erreurs – comme les nôtres – découlent de leurs peurs et de leurs faiblesses. Dans de nombreux cas, ils et elles s’opposent aux propositions de la gauche précisément à cause de ce qui est en leur sein incohérent – par exemple, l’idée de réaliser la fraternité de l’humanité par le biais d’une coercition violente.

Même lorsque nous sommes engagé·e·s dans une lutte physique acharnée avec nos adversaires, nous devons garder une foi profonde dans leur potentiel, car nous espérons vivre un jour des relations différentes avec elleux. En tant qu’aspirant·e·s révolutionnaires, cet espoir est notre ressource la plus précieuse, le fondement de tout ce que nous faisons. Si le changement révolutionnaire doit se répandre dans la société et dans le monde, celles et ceux que nous combattons aujourd’hui devront se battre à nos côtés demain. Nous ne prêchons pas la conversion par l’épée, et nous n’imaginons pas non plus que nous allons persuader nos adversaires dans un marché d’idées abstraites ; nous visons plutôt à interrompre les modes de reproduction actuels du capitalisme et de l’État tout en démontrant les vertus de notre alternative de manière inclusive et contagieuse. Il n’y a pas de raccourcis lorsqu’il s’agit de changement durable.

C’est précisément parce qu’il est parfois nécessaire de recourir à la force dans nos conflits avec les défenseurs de l’ordre dominant, qu’il est particulièrement important de ne jamais perdre de vue nos aspirations, notre compassion et notre optimisme. Lorsque nous sommes contraints d’utiliser la force coercitive, la seule justification possible est que c’est une étape nécessaire vers la création d’un monde meilleur pour tou·te·s, y compris nos ennemis, ou au moins leurs enfants. Sinon, nous risquons de devenir les prochains Jacobins, les prochains profanateurs de la révolution.

« La seule véritable vengeance que nous pourrions avoir serait d’atteindre le bonheur par nos propres efforts. »

-William Morris, en réponse aux appels à la vengeance pour les attaques policières lors des manifestations de Trafalgar Square

Voltaire applaudissant l’incendie de la guillotine pendant la Commune de Paris.


Annexe : Les décapité·e·s

La guillotine n’a pas terminé sa carrière à la fin de la première révolution française, ni lorsqu’elle a été brûlée pendant la Commune de Paris. En fait, elle a été utilisée en France comme un moyen pour l’État d’appliquer la peine capitale jusqu’en 1977. L’une des dernières femmes guillotinées en France a été exécutée pour avoir pratiqué des avortements. Les nazis ont guillotiné environ 16 500 personnes entre 1933 et 1945, soit le même nombre de personnes tuées au plus fort de la Terreur en France.

Quelques victimes de la guillotine :

  • Ravachol (né François Claudius Koenigstein), anarchiste
  • Auguste Vaillant, anarchiste
  • Emile Henry, anarchiste
  • Sante Geronimo Caserio, anarchiste
  • Raymond Caillemin, Étienne Monier et André Soudy, anarchistes et membres de la Bande à Bonnot
  • Mécislas Charrier, anarchiste
  • Felice Orsini, qui a tenté d’assassiner Napoléon III
  • Hans et Sophie Scholl et Christoph Probst, membres de [Die Weisse Rose] (https://www.weisse-rose-stiftung.de/white-rose-resistance-group/), une organisation de jeunesse clandestine anti-nazie active à Munich en 1942-1943.

Emile Henry.

Sante Geronimo Caserio.

André Soudy, Edouard Carouy, Octave Garnier, Etienne Monier.

Hans et Sophie Scholl et Christoph Probst.

« Je suis un anarchiste. Nous avons été pendus à Chicago, électrocutés à New York, guillotinés à Paris et étranglés en Italie, et je vais partir avec mes camarades. Je suis opposé à votre gouvernement et à votre autorité. À bas tout cela. Faites votre pire. Vive l’anarchie. »

-Chummy Fleming


Lectures complémentaires

The Guillotine At Work, GP Maximoff

I Know Who Killed Chief Superintendent Luigi Calabresi, Alfredo M. Bonanno

Critique’s Quarrel with Church and State, Edgar Bauer


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  1. Comme rapporté dans le journal officiel de la Commune de Paris :

    « Le jeudi, à neuf heures du matin, le 137ème bataillon, rattaché au 11e arrondissement, se rendit rue de la Folie-Méricourt ; il réquisitionna et prit la guillotine, cassa l’hideuse machine en morceaux et la brûla sous les applaudissements d’une immense foule.

    « Ils et elles l’ont brûlée au pied de la statue du défendeur de Sirven et Calas, de l’apôtre de l’humanité, du précurseur de la Révolution française, au pied de la statue de Voltaire. »

    Cela avait été annoncé un peu plus tôt dans la déclaration suivante :

    « Citoyen·ne·s,

    « Nous avons été informé de la construction d’un nouveau modèle de guillotine, commandé par l’odieux gouvernement (c’est-à-dire le gouvernement conservateur républicain d’Aldophe Thiers) – modèle plus facile à transporter et plus rapide. La sous-commission du 11e arrondissement a ordonné la saisie de ces instruments serviles de la domination monarchiste et a voté leur destruction une bonne fois pour toutes. Ces derniers seront donc brûlés à 10 heures le 6 avril 1871, sur la place de la Mairie, pour la purification de l’arrondissement et la consécration de notre nouvelle liberté. » 

  2. Comme nous l’avons expliqué ailleurs, la fétichisation de « l’état de droit » sert souvent à légitimer des atrocités qui seraient dans d’autres circonstances perçues comme horribles et injustifiées. L’histoire montre encore et toujours comment un gouvernement centralisé peut perpétrer des violences à une échelle bien plus grande que tout ce qui survient au sein d’un « chaos non organisé. » 

  3. Il est inquiétant de constater qu’au moins un collaborateur du magazine Jacobin a tenté, de façon nauséabonde, de réhabilité ce précurseur aux pires excès du stalinisme, en prétendant qu’une religion mandatée par l’État pourrait être préférable à un athéisme autoritaire. L’alternative aux religions et aux idéologies autoritaires qui encouragent l’islamophobie et autres n’est pas qu’un État autoritaire impose sa propre religion, mais au contraire, de construire une solidarité provenant de la base et allant au-delà des lignes politiques et religieuses pour défendre la liberté de conscience.