Fraude et Lutte : des émeutes éclatent contre l’austérité au Chili

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Un reportage sur la situation dans les rues de Santiago

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Au Chili, en réponse aux protestations étudiantes contre l’augmentation du coût des transports publics, le président a ramené le pays à l’époque de la dictature et de la loi martiale, en déployant les soldats dans les rues et en menaçant les manifestant·e·s de dizaines d’années de prison. Le reportage qui suit nous vient directement des rues de Santiago, à l’épicentre des combats.

« Nous payons le salaire des flics et le prix du billet, et les voilà qui se dressent contre nous ». « Le peuple uni ne sera jamais divisé ».

La conflagration de vendredi dernier a eu lieu après une semaine d’action contre la hausse du prix des billets de transport sous le slogan de « fraude » ou evade y lucha (« fraude les transports et lutte » ), slogan désormais tagué sur presque tous les murs du centre-ville. Tout a commencé comme une réponse ludique à la décision prise par le gouvernement d’augmenter le prix des transports, ce qui a entraîné une hausse généralisée du coût de la vie. Presque entièrement menée par les étudiants, la mobilisation s’est notamment traduite par des actions de fraudes massives dans les stations de métro. Actions au cours desquelles, les étudiants passaient les tourniquets en courant et maintenaient les portes ouvertes pour encourager toutes les autres personnes présentent à faire de même et à rejoindre le mouvement en utilisant gratuitement les transports en commun. La police a réagi en utilisant gaz lacrymogènes et matraques.

« Fraude, ne paie pas—une autre façon de lutter ».

« Fraude et Lutte »

Vendredi, les manifestant·e·s ont répondu en prenant pour cible les stations de métro, détruisant portes et tourniquets, et allant même jusqu’à utiliser ces derniers comme armes pour se défendre contre les attaques de la police. Par conséquent, de nombreuses lignes de métro ont fermé, et en milieu d’après-midi, nous avons appris que le métro serait complétement fermé pendant toute la durée du weekend.

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Comme certains autobus étaient toujours en service, les files d’attente aux arrêts desservis ont continué à grossir jusqu’à déborder, provoquant de longs temps d’attente. Au fur et à mesure que les stations de métro fermaient, des marches de protestations commencèrent à se former dans les rues, causant encore plus de retard pour les bus qui transportaient encore des passagers. Aux vues des événements, beaucoup de personnes décidèrent tout simplement de marcher au milieu des routes ; la situation commençait à ressembler à celle d’un jour de neige, où tout le monde sort de chez soi pour se retrouver dans les rues, dans une énergie étrange et extasiée.

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Pendant ce temps, des images difficiles à supporter ont commencé à circuler. Ces dernières montrent la police en train de tirer à balles réelles sur une étudiante lors d’une des manifestations contre la hausse du prix des tickets. Son état de santé reste inconnu. Il a été rapporté que des troubles et des affrontements particulièrement intenses ont eu lieu à las Parcelas, le quartier dont est originaire l’étudiante. Au moment d’écrire ces lignes, il y a de multiples signalements de personnes qui se sont faites tirer dessus par la police.

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Alors que le soleil se couchait, la ville s’est embrassée. Pendant que des bus été incendiés, des barricades et autres barrages sont apparus dans les rues de nombreux quartiers. Les voisin·e·s sortaient de chez elleux pour frapper sur des casseroles (une forme traditionnelle de protestation connue sous le nom de cacerolazo), ainsi que pour mettre le feu à des canapés, des pneus et à tout ce qu’iels pouvaient trouver dans les environs. La rébellion s’est répandue dans toute la ville, bien au-delà des premières stations de métro attaquées. Tout au long de la nuit, les affrontements avec la police se sont intensifiés jusqu’à ce que le président déclare l’État d’urgence, rappelant la dictature militaire de 1973-1990 au cours de laquelle des milliers de personnes ont “disparu” et ont été assassinées.

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Le siège de la compagnie énergétique italienne Enel, haut d’une douzaine d’étages, a également pris feu. Notons que la cause de l’incendie n’a pas encore été confirmée. Alors que certains supposent que des pyromanes seraient à l’origine du feu, d’autres avancent l’hypothèse selon laquelle ce serait une grenade lacrymogène qui aurait déclenché l’incendie.

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L’entité qui contrôle le réseau du métro de Santiago a déjà confirmé qu’il n’y aurait pas de service assuré ce week-end, et la fédération étudiante chilienne a appelé à une grève nationale pour lundi. Pour l’instant, il reste à voir si les troubles vont se propager et s’aggraver. Mais une chose est sûre, si les militaires tuent quelqu’un, le pays est voué à exploser. Les souvenirs de la dictature sont trop frais et trop bruts pour que les gens restent passifs.

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Les Chilien·ne·s se souviennent trop bien des trahisons de la démocratie pour être apaisé·e·s par une simple réforme telle qu’une réduction du prix des transports en commun. Après des affrontements massifs en Equateur, il semble que les choses reviennent progressivement à la normale dans le pays maintenant que le président équatorien a fait marche arrière par rapport aux mesures d’austérité prévues dans sa proposition budgétaire ; mais cette vague de défiance montre que la colère couve depuis longtemps au Chili, et qu’il ne sera pas facile de la faire taire.

En matière de luttes sociales, le Chili a une longue histoire qui remonte à ses origines coloniales. Les mouvements sociaux combatifs d’aujourd’hui sont issus de la résistance à la dictature militaire meurtrière d’Augusto Pinochet. Leur lignée s’est poursuivie sans interruption et ce, parce que la transition vers la démocratie en 1990 ne s’est accompagnée d’aucun changement significatif que ce soit dans les politiques économiques ou dans les pratiques violentes du maintien de l’ordre. Ces dernières continuant d’imposer des disparités extrêmes en termes de richesse et de pouvoir. Cette révolte particulière rappelle le soulèvement au Brésil en 2013, quand un million de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre l’augmentation du coût des transports publics.

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Nous verrons bien ce qui se passera ensuite.

Pour voir des images des affrontements, ces quatre comptes Instagram ont fourni des mises à jour régulières.

Pour en savoir plus sur les mouvements sociaux combatifs de longue date au Chili :

The Student Movement in Chile: From Dictatorship to Democracy, the Flame of Revolt

The Chicago Conspiracy—Un documentaire sur l’héritage de la dictature militaire au Chili, revisitant l’histoire des jeunes tué·e·s par le régime Pinochet comme toile de fond de l’histoire de la dictature militaire. Le film suit ce fil conducteur au sein des formes actuelles de conflits sociaux, incarnées entre autres par : le mouvement étudiant, les quartiers qui ont résisté à la dictature et qui continuent de résister au capitalisme et à l’oppression de l’État, et la défiance continue du peuple mapuche autochtone.